02 décembre 2006

L’euphémisme de Jonathan Littell

Le roman de Jonathan Littell, « Les Bienveillantes », récompensé par le Prix Goncourt et le Prix du roman de l’Académie française, a suscité des commentaires de toutes sortes, mais — sauf erreur de ma part — nul n’a encore fait observer que le titre fait référence aux divinités qui, dans le panthéon grec classique, incarnaient la vengeance : les Erinyes (Ἐρινύες), qu’on préférait ne pas évoquer en les désignant par leur nom et que, par euphémisme donc, on appelait les Bienveillantes = Euménides (Εὐμενίδες, sous-entendu θεαί « déesses » ; autre nom : Σεμναὶ θεαί « déesses révérées, craintes, vénérées », mais les Tragiques les appellent aussi « chiennes » κύνες, ou « chasseresses » κυνηγέτιδες) ; leurs homologues dans la mythologie romaine étaient les Furies (Fŭriæ ou Dīræ).
Primitivement, il n’y avait qu’une Erinye (Ἐρινύς, nom tiré du même radical que Ἔρις, personnification de la discorde, cf. l’éristique ou art de la controverse) ; puis sont apparues trois hypostases :
Alecto (Ἀληκτώ « implacable »), Mégère (Μέγαιρα « envieuse »)
et Tisiphone (Τισιφόνη « celle qui venge le sang versé »).
Les Euménides est le titre d’une tragédie d’Eschyle, dernier volet d’une trilogie.

Au lecteur de trouver pourquoi le romancier a fait ce choix.

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