14 février 2007

Wikipédia:
Couvrez ce *** que je ne saurais ***, comme disait T***

« Le latin, dans les mots, brave l’honnêteté » ?

Cherchant à m’informer sur le R. P. Tomás Sánchez [1550-1610], qu’en France on associe surtout au probabilisme, à Luis de Molina et à Antonio Escobar y Mendoza (voir les Pro-vinciales), alors qu’en Espagne il doit sa célébrité posthume à son traité Disputationes de sancto matrimonii sacramento, je découvre deux mentions du casuiste sur le site de Wiki-pédia : dans les articles « fellation » :
À en croire Voltaire (dans la Relation de la maladie, de la confession, de la mort et de l’ap-parition du jésuite Berthier), le célèbre jésuite Sánchez se serait demandé : « Semen ubi femina effudit, an teneatur alter effundere, sive inter uxores, sive inter fornicantes ? », ques-tion que Roger Peyrefitte traduisait par : « Si l’on peut commencer dans les vases illégi-times » ; à quoi l’illustre théologien aurait répondu : « Utrum liceat intra vas praeposte-rum, aut in os feminae, membrum intromittere, animo consummandi intra vas legitimum », c’est-à-dire qu’il autorisait ces préludes « à condition de finir dans le vase légitime ».


et « orgasme » :

À en croire Voltaire, dans L’Homme aux quarante Écus, le célèbre jésuite Sánchez croyait comme article de foi « que les deux véhicules fluides de l’homme et de la femme s’élancent et s’unissent ensemble, et que dans le moment l’enfant est conçu par cette union », partageant en cela l’opinion d’Hippocrate. Et il en était si persuadé qu’il se posait une question théologique qu’on n’oserait citer, même en latin.

{ c’est moi qui souligne }



Après des « polissonneries » en latin (et Les Clés de saint Pierre [1955] comme caution ?), qu’on aurait pu croire anachroniques au XXIe siècle, une protestation vertueuse : à l’indi-cible nul n’est tenu (on notera, au passage, le « même en latin »). Il suffit, pour être fixé, de se reporter au texte original :


VII. — Mariage de l’homme aux quarante écus.


[...] L’homme aux quarante écus, qui était déjà l’homme aux deux cents pour le moins, demanda en quel endroit était son enfant. « Dans une petite poche, lui dit son ami [le géomètre], entre la vessie et l’intestin rectum. — O Dieu paternel! s’écria-t-il, l’âme immortelle de mon fils née et logée entre l’urine et quelque chose de pis! — Oui, mon cher voisin, l’âme d’un cardinal n’a point eu d’autre berceau; et avec cela on fait le fier, on se donne des airs. — Ah! monsieur le savant, ne pourriez-vous point me dire comment les enfants se font? — Non, mon ami; mais, si vous voulez, je vous dirai ce que les philosophes ont imaginé, c’est-à-dire comment les enfants ne se font point.
« Premièrement le R. P. Sanchez, dans son excellent livre de Matrimonio, est entièrement de l’avis d’Hippocrate; il croit comme un article de foi que les deux véhicules fluides de l’homme et de la femme s’élancent et s’unissent ensemble, et que dans le moment l’enfant est conçu par cette union; et il est si persuadé de ce système physique devenu théologique, qu’il examine, chapitre XXI du livre second, Utrum virgo Maria semen emiserit in copulatione cum Spiritu Sancto.Eh! monsieur, je vous ai déjà dit que je n’entends pas le latin; expliquez-moi en français l’oracle du P. Sanchez. » Le géomètre lui traduisit le texte, et tous deux frémirent d’horreur.


À titre d’information : la même question de Sánchez est mentionnée à l’entrée « Impuis-sance » du Dictionnaire philosophique ; comme on voit, le casuiste s’emploie à décider « si la Vierge Marie a eu une éjaculation pendant son accouplement avec le Saint-Esprit ». L’ironie de la formule « et tous deux frémirent d’horreur » est patente ; je voudrais croire que celle du rédacteur pluriel de Wikipédia m’a échappé.

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