25 mars 2007

Praxitèle au Louvre : Apollon Sauroctone


Le Monde, 63e année, no19334, daté du vendredi 23 mars 2007, p. 30, « L’énigmatique Praxitèle au Louvre », Emmanuel de Roux :


Pour Alain Pasquier, un des commissaires de l’exposition, « on est à peu près sûr de trois modèles : la Vénus de Cnide — on doit à Praxitèle les premiers nus féminins de l’histoire de la sculpture — l’Apollon Sauroctone (qui joue avec un lézard) et sans doute un jeune satyre au repos. »

En sa qualité de conservateur général en charge du (calque de l’anglais in charge of
« responsable de ») département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Louvre, Alain Pasquier sait à coup sûr de quoi il parle ; j’en dirais autant d’Emmanuel de Roux (dans le cas contraire, il aurait à cœur de s’informer avant d’informer). Incidemment, il serait peut-être préférable de parler d’Aphrodite de Cnide.



Le Figaro, 19 mars 2007, « Praxitèle, le chant du marbre », Hervé de Saint Hilaire (illustration : Apollon Sauroctone ; légende : « Anonyme, buste féminin, marbre, fin du Ier siècle avant J.-C. — début du Ier siècle après J.-C. ») :

Et ces variations sur une figure importante, presque archétypale, chez Praxitèle, ces proportions, ces jeux d’équilibres de l’Apollon Sauroctone (c’est-à-dire « mangeur de lézard [sic] »). Admirez ces innombrables bustes ; ces têtes dont on a parfois peine à soutenir le regard ; attardez-vous sur la qua-lité des drapés, des chevelures et la magie de ces mouvements : Vénus cachant son sexe de sa main qu’elle entrouvre parfois, la vigueur d’un Hermès portant Dionysos enfant.



L’Humanité, édition du 20 mars 2007, « Le geste éternel d’Aphrodite », Maurice Ulrich :

« Vouloir aller, interroge Alain Pasquier, à la rencontre d’un seul et même sculpteur, dont la carrière remonte à quelque deux mille trois cents ans, vouloir ressusciter son œuvre dont l’héritage se réduit à quelques restes tantôt meurtris par les vicissitudes du sort, tantôt dénaturés par les restaurations, des restes qui de surcroît ne sont eux-mêmes que les échos affaiblis des créations du maître, n’est-ce pas là une entreprise bien extravagante ? » La réponse est sans doute du côté de la passion. « Nous voulons croire que la faveur pour ces dieux et ces héros, pour ces Apollon et ces Vénus de marbre, n’a pas complètement disparu et même qu’elle peut retrouver de la force. » Elle est aussi du côté de la fascination pour ces formes qui ont non seulement ébloui les Romains, qu’il s’agisse de l’Apollon Sauroctone, ce qui veut dire chasseur de lézards, du Satyre au repos qui a fait l’objet à lui seul de cent douze copies romaines.


« La Grèce retrouvée » Restaurations de sculptures grecques du Musée Calvet, en Avignon :

La collection de sculptures grecques et gréco-romaines en ronde bosse rassemblée par le Musée Calvet depuis le XIXe siècle comporte quelques pièces de valeur, notamment un torse d’Apollon Sauroctone inv. E 37 (Apollon guetteur de lézard [sic]), réplique d’un original du sculpteur grec Praxitèle (vers 400 — vers 330 av. J.-C.).

http://www.musee-calvet.org/fr/exposition-la-grece-retrouvee.html





Difficile de s’y retrouver devant tant d’opinions autorisées, divergentes
et toutes fausses.

Σαυροκτόνος est composé de σαύρα (fém. ; σαῦρος existe aussi) « lézard » et d’une forme tirée de κτείνω (κτενῶ, ἔκτεινα 1, ἔκτανον 2, ἔκτονα) « tuer », cf. αὐτόκτονος et αὐτοκτόνος, βαρϐαρόκτονος, θηλυκτόνος, νεόκτονος, παρθενοκτόνος, πρωτοκτόνος, τραγόκτονος ; il faut donc comprendre « tueur de lézards ».



La forme translittérée est attestée en latin chez Pline (XXXIV, 70) et chez Martial (XIV, 172 : Sauroctonos Corinthius).

Le passage de Pline : Fecit et puberem Apollinem subrepenti lacertæ comminus sagitta insidian-tem, quem sauroctonon uocant, tel qu’il est traduit par Littré qui parle « d’un jeune Apollon qui guette avec une flèche un lézard se glissant près de lui, et qu’on appelle Sauroctone » [un jeune Apollon qui, armé d’une flèche, est à l’affût d’un lézard…] a peut-être influé sur la compréhension du rédacteur du musée Calvet.

Quant au distique de Martial :

Ad te reptanti, puer insidiose, lacertæ
Parce: cupit digitis illa perire tuis

la traduction française publiée en 1864 « Ne tue pas d’une flèche, malicieux enfant, ce lézard qui rampe vers toi : ce n’est qu’entre tes doigts qu’il veut mourir » suppose, chez le lecteur, une bonne connaissance du texte de Pline et du motif représenté par Praxitèle (Martial ne mentionne pas de flèche, sagitta).



Au bout du compte, il resterait à expliquer comment Sauroctone (pour lequel il existe une vedette dans le Larousse du XXe Siècle) a pu tenir en échec de bons esprits qu’on aurait pu croire rompus à ce genre de gymnastique linguistique.







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