15 mars 2007

Tristram Shandy : Doctor Paidagunes


Tome III, Volume VI, Chapitre XI :


“[…] it was Yorick’s custom, which I suppose a general one with those of his profession, on the first leaf of every sermon which he composed, to chronicle down the time, the place, and the occasion of its being preached: to this, he was ever wont to add some short comment or stricture upon the sermon itself, seldom, indeed, much to its credit:—For instance, This sermon upon the Jewish dispensation—I don’t like it at all;—Though I own there is a world of Water-Landish knowledge in it;—but ’tis all tritical, and most tritically put together.— This is but a flimsy kind of a composition; what was in my head when I made it?

—N.B. The excellency of this text is, that it will suit any sermon,—and of this sermon,—that it will suit any text.—

—For this sermon I shall be hanged,—for I have stolen the greatest part of it. Doctor Paidagunes found me out. Set a thief to catch a thief.—”



Le contexte montre qu’à l’évidence il s’agit d’un docteur en théologie (divinity). Hormis cette certitude…


À supposer que Paidagunes soit la « forme féminine de pédagogue » (Charles Mauron, note 361 p. 619), elle a dû sortir tout armée de la tête de Sterne, bafouant allègrement les règles qui, d’ordinaire, président à la formation des noms composés en grec classique (où, d’ailleurs, παιδαγωγός désignait [l’esclave] accompagnant — à l’aller et au retour — le garçon de la maison de ses parents à celle du maître d’école [διδάσκαλος, παιδευτής], qui faisait la classe chez lui).

Howard Anderson, p. 300 : ‘the reference is contemptuous of pedantry’, et Graham Petrie, note p. 647 : ‘‘Dr. She-pedagogue’, expressing Sterne’s contempt for pedants’, mais je n’y verrais que de la misogynie.

Melvyn New (note p. 694) estime qu’il serait « plus correct » d’écrire Paedagunes ; mais, dans ce cas, pourquoi pas Paedagynes ? D’ailleurs, Sterne translittère au lieu de trans-crire, invitant peut-être à une lecture ‘paid a gin’ ou ‘paid a guinea’ (‘paid a gown’ serait plus en situation).


Le néerlandais connaît pedagoog au masculin et pedagoge au féminin ; en admettant — ce dont je persiste à douter — que Sterne ait eu l’intention d’inventer une pseudo-forme en grec classique correspondant à pedagoge, on aura du mal à me faire croire que **paidago-gyne / παιδαγωγυνή ** n’ait pas été à sa portée. On peut toujours supposer (sans en apporter le moindre début de preuve) que c’est ce que l’auteur avait écrit, que le mot a été amputé à l’imprimerie et que la forme fautive a échappé au correcteur et au relecteur.

Il n’en resterait pas moins que nul n’a cherché à justifier l’emploi (éventuel) de « péda-gogue au féminin » pour « pédant », avec « au féminin » tenant lieu d’intensif (cf. « bas-bleu »), alors qu’il s’agit d’un théologien.

Comment expliquer le -s de Paidagunes ?






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