Tristram Shandy : Agrippine et la mort de son fils
Laurence Sterne écrit (Tristram Shandy, tome III, volume V, chapitre II) :
“When Agrippina was told of her son’s death, Tacitus informs us, that, not being able to moderate the violence of her passions, she abruptly broke off her work—”
Traduction de Charles Mauron, Garnier-Flammarion no371, p. 314 + note 285 p. 615 :
« Lorsque Agrippine285 apprit la mort de son fils, ne pouvant modérer, nous ap-prend Tacite, la violence de sa douleur, elle interrompit brusquement son travail. »
285. Voir The Anatomy of Melancholy, II, III, V, qui donne quatre vers de Tacite sur ce sujet.
Tacite, nul ne le contestera, étant plus célèbre pour ses ouvrages en prose que pour ses poèmes, il est légitime que le lecteur donne libre cours à sa curiosité et aille s’informer à la source.
Richard Burton, The Anatomy of Melancholy,
Second Partition, Section Three, Member Five:
Against vain fears, sorrows for death of friends, or otherwise
“[…] as Tacitus of Agrippina, not able to moderate her passions. So when she heard her son was slain, she abruptly broke off her work, changed counten-ance and colour, tore her hair, and fell a-roaring downright.
—subitus miseræ color ossa reliquit,
Excussi manibus radii, reuolutaque pensa:
Euolat infelix et fœmineo ululatu
Scissa comam—
“The colour suddenly fled her cheek, the distaff forsook her hand, the reel revolved, and with dishevelled locks she broke away, wailing as a woman.”
La femme qualifiée à deux reprises de « malheureuse » (misera, infelix) est la mère d’Eury-ale et la scène se passe au chant IX de l’Énéide (v. 475-478).
Cette citation — telle qu’elle apparaît chez Burton — contient une curiosité : alors que le texte de Virgile, réutilisant une formule déjà présente au chant III (v. 308 deriguit visu in medio, calor ossa reliquit ; voir les Essais, I, II), porte calor « chaleur » (soudain, la chaleur abandonna les os de la malheureuse), le mot devient color « couleur » (‘The colour sud-denly fled her cheek’) : il a pu y avoir contamination d’un passage d’Horace (Épodes, XVII: Ad Canidiam ueneficam, v. 21-22), fugit iuuentas et uerecundus color / reliquit ossa pelle amicta lurida « ma jeunesse a fui, et les belles couleurs se sont effacées de la peau livide de mes os desséchés » (Leconte de Lisle).
Un détail m’intrigue : les éditions de The Anatomy of Melancholy ont beau renvoyer au livre III des Annales de Tacite, je me demande où et en quels termes le mémorialiste décrit la réaction d’Agrippine « apprenant la mort de son fils ».
Quelqu’un a-t-il une opinion ?
Libellés : Agrippine, Anatomy of Melancholy, Charles Mauron, Tacite, Tristram Shandy
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