Extrait de la page de fr.wikipedia.org consacrée à Néron :
Une série de scandales
Alors que ses conseillers s’occupaient des affaires de l’État, Néron s’entourait d’un cercle de proches. Les historiens romains rapportent des nuits de débauche et de violence, alors que les affaires plus banales de la politique étaient négligées. Marcus Salvius Otho était au nombre de ces nouveaux favoris. À tous points de vue, Otho était aussi débauché que Néron, mais il devint aussi intime qu’un frère. Certaines sources considèrent même qu’ils ont été amants. Otho aurait présenté à Néron une femme qui aurait d’abord épousé le favori, puis l’empereur. Poppée (Poppaea Sabina) était décrite comme une femme de grande beauté, pleine de charme, et d’intelligence. On peut trouver dans de nombreuses sources (Plutarque Galba 19.2-20.2 ; Suétone Othon 3.1-2; Tacite deux versions : Histoires 1.13.3-4; Annales 13.45-46 ; et Dion Cassius 61.11.2-4) les rumeurs d’un triangle amoureux entre Néron, Othon, et Poppée.
En 58, Poppée avait assuré sa position de favorite de Néron. L’année suivante (59) fut un tournant dans le règne de Néron. Néron et/ou Poppée auraient organisé le meurtre d’Agrippine. Sénèque eut beau tenter de convaincre le Sénat qu’elle mettait sur pied une conspiration contre son fils, la réputation de l’empereur fut irrémédiablement entachée par ce cas de matricide. Othon fut bientôt chassé de l’entourage impérial, et envoyé en Lusitanie comme gouverneur.
Le tournant suivant fut l’année 62, pour plusieurs raisons.
La première fut un changement parmi ses conseillers. Burrus mourut et Sénèque demanda à Néron la permission de se retirer des affaires publiques. Leur remplaçant aux postes de préfet du prétoire et de conseiller fut Tigellin. Il avait été banni en 39 par Caligula, accusé d’adultère avec à la fois Agrippine et Livilla. Il avait été rappelé d’exil par Claude, puis avait réussi à devenir un proche de Néron (et peut-être son amant). Avec Poppée, il aurait eu une plus grande influence que Sénèque en eut jamais sur l’empereur. Quelques mois plus tard, Tigellin épousait Poppée. Une théorie suggère que Poppée tenta, pendant ces quatre ans (58-62) d’éloigner Néron de ses conseillers et de ses amis ; si cela est vrai, ce qui est arrivé à Burrus et Sénèque pourrait ne pas être le fruit du hasard. Le deuxième événement important de l’année fut le divorce de l’empereur. Néron, âgé alors de vingt-cinq ans, avait régné huit ans, et n’avait pas encore d’héritier. Quand Poppée tomba enceinte, Néron décida d’épouser sa maîtresse, mais son mariage avec Octavie devait d’abord être annulé. Il commença par l’accuser d’adultère. Mais Néron avait déjà acquis la réputation d’être infidèle, alors qu’Octavie était connue pour être un parangon de vertu. Il fallait des témoignages contre elle, mais la torture d’un de ses esclaves ne parvint qu’à produire la célèbre déclaration de Pythias, selon laquelle la vulve d’Octavie était plus propre que la bouche de Tigellinus. Néron réussit à obtenir le divorce pour cause d’infertilité, ce qui lui permettait d’épouser Poppée et d’attendre qu’elle donne naissance à un héritier. La mort soudaine d’Octavie, le 9 juin 62 provoqua des émeutes publiques.
Un des effets rapides de la nomination de Tigellinus fut la promulgation d’une série de lois contre les trahisons ; de nombreuses peines capitales furent exécutées.
Au cours de cette année, Néron fit exécuter deux des membres restants de sa famille […].
Dernière modification de cette page le 22 janvier 2007 à 18:30
http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9ron
On remarquera le flottement entre Otho et Othon, ainsi qu’entre Tigellin et Tigellinus [C. Ofonius Tigellinus] ;
« les affaires plus banales de la politique » : “more mundane matters of politics” « les aspects matériels de la politique, la gestion des affaires courantes » ;
« À tous points de vue, Otho était aussi débauché que Néron » : “By all accounts” « Au dire de tout le monde / Les sources sont unanimes / De l’avis général » ;
« Otho aurait présenté à Néron une femme qui aurait d’abord épousé le favori, puis l’empereur » : “Otho early introduced Nero to one particular woman who would marry first the favourite (Otho) and then the Emperor” « Dès les premiers temps, Othon présenta à Néron une certaine femme qui épousa d’abord le favori, Othon, puis l’empereur » ;
« Poppée (Poppaea Sabina) était décrite comme une femme de grande beauté, pleine de charme, et d’intelligence » : “Poppaea Sabina, described as a woman of great beauty, charm, and wit” « … qu’on présente comme une femme de grande beauté, pleine de charme et
d’esprit » ;
« En 58, Poppée avait assuré sa position de favorite de Néron » : “By 58, Poppaea had become established in her position as Nero’s favourite mistress” « Dès 58, la situation de Poppée en tant que favorite de Néron était un fait acquis » ;
« Néron et/ou Poppée auraient organisé le meurtre d’Agrippine » : “Nero and/or Poppaea reportedly machinated the murder of Agrippina” « Le couple d’amants, Néron et Poppée, ou bien l’un de deux amants, aurait comploté l’assassinat d’Agrippine » ;
« par ce cas de matricide » : “by this case of matricide” « par cette affaire de matricide, par ce matricide » ;
« Il avait été banni en 39 par Caligula, accusé d’adultère avec à la fois Agrippine et
Livilla » : « Accusé d’adultère tant avec Agrippine qu’avec Livilla, il avait été banni en 39 par Caligula » ;
« [Tigellinus] avait réussi à devenir un proche de Néron (et peut-être son amant) » : “Ambitious, Tigellinus managed to become a favourite of Nero (and, reputedly, his lover)”
« Ambitieux, T. parvint à s’insinuer dans les bonnes grâces de Néron (et, dit-on, à devenir son amant) » ;
« Néron … avait régné huit ans » : “had reigned for eight years” « régnait depuis huit ans » ;
« Néron décida d’épouser sa maîtresse, mais son mariage avec Octavie devait d’abord être annulé » : “Nero finally decided to marry his mistress, but his marriage to Octavia had to be dissolved before doing so” « N. finit par décider d’épouser sa maîtresse, mais encore fallait-il au préalable que son mariage avec O. fût dissous »
« mais la torture d’un de ses esclaves ne parvint qu’à produire la célèbre déclaration de Pythias, selon laquelle la vulve d’Octavie était plus propre que la bouche de Tigellinus » : “but torturing one of her slaves only produced the famous declaration of Pythias reporting the genitalia of Octavia to be cleaner than the mouth of Tigellinus” « mais la mise à la torture d’une de ses esclaves eut pour seul résultat la célèbre apostrophe de Pythias à Tigelli-nus : la vulve d’Octavie est plus propre que ta bouche » [Voir ci-dessous PYTHIAS] ;
« N. réussit à obtenir le divorce pour cause d’infertilité » : “Nero proceeded to declare the divorce on grounds of infertility” « N. répudia alors Octavie pour stérilité » — le rédacteur anglophone avait le choix entre barrenness, sterility et infertility ; il a préféré le dernier, euphémisme datant de 1847 et qui a la faveur des cliniques spécialisées ;
« … provoqua des émeutes publiques » : pour les distinguer des émeutes en appartement, en petit comité, in petto, en son for intérieur ? — de toute façon, c’est faux : il n’y a pas eu d’émeutes du tout en la circonstance et Tacite ne mentionne que des « protestations répétées » (crebri questus) ;
« Un des effets rapides de la nomination de Tigellinus » : “One of the earliest effects of Tigellinus’ advancement” « Une des toutes premières conséquences de la promotion
de T. »
« une série de lois contre les trahisons » [les trahisons, au pluriel…] : “a series of treason laws” « une série de lois réprimant le crime de lèse-majesté, d’atteinte à la maiestas » — c’est inexact : la lex de maiestate, suspendue en 41 par Claude, est remise en vigueur ;
« de nombreuses peines capitales furent exécutées » [formule de très mauvais goût] : “numerous capital sentences were carried out” « il y eut de nombreuses exécutions
capitales » ;
« Au cours de cette année, Néron fit exécuter deux des membres restants de sa famille » : “During the same year, Nero executed two of his few remaining relatives” « La même année, N. fit mettre à mort deux des rares survivants de sa famille ».
PYTHIAS — même ânerie
Pythias was a Roman slave bound to Octavia, the wife of Nero until 62 A.D.
He was tortured and famously proclaimed that Octavia’s genitalia was cleaner than Tigellinus’ mouth.
This page was last modified 14:48, 7 January 2007.
http://en.wikipedia.org/wiki/Pythias_%28Roman%29
Il existe deux sources se rapportant à Pythias, servante ou suivante (ancilla) d’Octavie:
Tacite (Annales, XIV, 60), qui rapporte l’anecdote au style indirect sans désigner le personnage par son nom, et Dion Cassius (LXII, 13,4), qui l’appelle deux fois Πυθιάς et précise qu’elle crache au visage de son bourreau.
Tacite :
Igitur accepto patrum consulto, postquam cuncta scelerum suorum pro egregiis accipi uidet, exturbat Octauiam, sterilem dictitans; exim Poppææ coniungitur. Ea diu pælex et adulteri Neronis, mox mariti potens, quendam ex ministris Octauiæ impulit seruilem ei amorem obicere. Destinaturque reus cognomento Eucærus [Εὔκαιρος], natione Alexandrinus, canere per tibias doctus. Actæ ob id de ancillis quæstiones, et ui tormentorum uictis quibusdam, ut falsa adnuerent, plures perstitere sanctitatem dominæ tueri; ex quibus una instanti Tigellino castiora esse muliebria Octauiæ respondit quam os eius. Mouetur tamen primo ciuilis discidii specie domumque Burri, prædia Plauti infausta dona accipit; mox in Campaniam pulsa est addita militari custodia. Inde crebri questus nec occulti per uulgum, cui minor sapientia et ex mediocritate fortunæ pauciora pericula sunt. His tamquam Nero pænitentia flagitii coniugem reuocarit Octauiam.
« Néron n’eut pas plus tôt reçu le décret du sénat, que, voyant tous ses crimes érigés en vertus, il chasse Octavie sous prétexte de stérilité ; ensuite il s’unit à Poppée. Cette femme, longtemps sa concubine, et toute-puissante sur l’esprit d’un amant devenu son époux, suborne un des gens d’Octavie, afin qu’il l’accuse d’aimer un esclave : on choisit, pour en faire le coupable, un joueur de flûte, natif d’Alexandrie, nommé Eucérus. Les femmes d’Octavie furent mises à la question, et quelques-unes, vaincues par les tourments, avouèrent un fait qui n’était pas ; mais la plupart soutinrent constamment l’innocence de leur maîtresse. Une d’elles, pressée par Tigellin, lui répondit qu’il n’y avait rien sur le corps d’Octavie qui ne fût plus chaste que sa bouche. Octavie est éloignée cependant, comme par un simple divorce, et reçoit, don sinistre, la maison de Burrus et les terres de Plautus. Bientôt elle est reléguée en Campanie, où des soldats furent chargés de sa garde. De là beaucoup de murmures ; et, parmi le peuple, dont la politique est moins fine, et l’humble fortune sujette à moins de périls, ces murmures n’étaient pas secrets. Néron s’en émut ; et, par crainte bien plus que par repentir, il rappela son épouse Octavie. »
trad. Jean-Louis Burnouf, 1859
“Nero, on receiving this decree of the Senate and seeing that every piece of his wickedness was regarded as a conspicuous merit, drove Octavia from him, alleging that she was barren, and then married Poppaea. The woman who had long been Nero’s mistress and ruled him first as a paramour, then as her husband, instigated one of Octavia’s servants to accuse her an intrigue with a slave. The man fixed on as the guilty lover was one by name Eucaerus, an Alexandrine by birth, skilled in singing to the flute. As a consequence, her slave-girls were examined under torture, and though some were forced by the intensity of agony into admitting falsehoods, most of them persisted in upholding the virtue of their mistress. One of them said, in answer to the furious menaces of Tigellinus, that Octavia’s person was purer than his mouth. Octavia, however, was dismissed under the form of an ordinary divorce, and received possession of the house of Burrus and of the estates of Plautus, an ill-starred gift. She was soon afterwards banished to Campania under military surveillance. This led to incessant and outspoken remonstrances among the common people, who have less discretion and are exposed to fewer dangers than others from the insignificance of their position. Upon this Nero, though he did not repent of his outrage, restored to Octavia her position as wife.”
Translated by Alfred John Church and William Jackson Brodribb
The Modern Library edition of Church and Brodribb’s text, published under the title of The Complete Works of Tacitus, 1942
Dion Cassius:
Μόνη δὴ Πυθιὰς οὔτε τι κατεψεύσατο αὐτῆς, καίπερ πικρότατα βασανισθεῖσα, καὶ τέλος ὡς ὁ Τιγελλῖνος ἐνέκειτο αὐτῇ, προσέπτυσε τέ αὐτῷ καὶ εἶπε, « Καθαρώτερον, ὦ Τιγελλῖνε, τὸ αἰδοῖον ἡ δέσποινα μοῦ τοῦ σοῦ στόματος ἔχει. »
« Seule Pythias, quoique très cruellement torturée, ne proféra aucun mensonge sur le compte d’Octavie, et, à la fin, comme Tigellinus la pressait, elle lui cracha au visage et lui dit : Le sexe de ma maîtresse, Tigellinus, est plus chaste / exempt de souillure que ta bouche. »
καθαρός (cf. les Cathares, catharsis, Catherine) « sans souillure, pur ; propre ; innocent ; chaste, vertueux »
“Pythias alone had refused though cruelly tortured to utter lies against Octavia, and finally, as Tigillinus continued to urge her, she spat in his face, saying: My mistress’s privy parts are cleaner, Tigillinus, than your mouth.”
transl. Earnest Cary on the basis of the version by Herbert Baldwin Foster,
Loeb Classical Library, 1925
Remarques sur l’ensemble des textes classiques et de leurs traductions.
Tacite et Dion Cassius sont en désaccord sur un point précis : alors que le premier affirme que « la plupart » (
plures) des servantes et suivantes d’Octavie soutiennent leur maîtresse, le second souligne l’exemplarité de Pythias, « seule, unique » (μόνη) à défendre la réputation de l’impératrice.
La convergence frappante entre
castiora et καθαρώτερον ne milite guère en faveur d’une traduction par « propre » : non contente de chercher à innocenter Octavie, Pythias insinue que Tigellinus est un
fellator (« suceur »), donc considéré comme passif [cf.
uiri muliebria pati, chez Salluste,
Bellum Catilinæ, XIII, 3], ce qui — s’agissant d’un homme + libre [ni esclave, ni affranchi] + adulte — était le comble de l’abomination aux yeux des Romains (perte de la
dignitas) ; voir
Le sexe et l’effroi, de Pascal Quignard (1994).
Muliebria (
pudenda) et αἰδοῖον, euphémismes pourtant traditionnels, ont plongé certains traducteurs dans l’embarras ; le double souci d’édulcorer le propos et de restituer le style indirect aboutit à un résultat parfois opaque : «
il n’y avait rien sur le corps d’Octavie qui ne fût plus chaste que sa bouche ».
Montaigne mentionne Tigellinus (il écrit Tig
illinus) à deux reprises dans les
Essais : en I, XX (
Que Philosopher, c’est apprendre à mourir) et en III, IX (
De la vanité). Incidemment, il est un peu surprenant que, dans le premier passage, Montaigne en soit resté aux fonctions de Tigellinus en tant que «
Capitaine du guet à Rome ».